Une fiction en cours
FICTION
10/3/202540 min read
Ellaya
Ce n’était pas si compliqué de rejoindre Ozaka !? Je suis perdue, nous n’avons aucun échappatoire ! Nous allons mourir ici, entre la faim, les insectes et l’eau il n’y a pas d’issue possible ! Je suis tétanisée de peur, effrayée, perdue… Allé respire, ne te laisses pas emporter, ce n’est qu’une épreuve de la vie.
_ Princesse Ellaya, princesse Ellaya, j’ai trouvé deux survivants !
C’est Ellie, l’une de mes plus anciennes servantes. Et surtout nous avons vécu des choses ensemble qui nous ont réellement rapprochées au cours de nos vies. Elle peut être espiègle, parfois même en tant que domestique, mais je la considère comme ma plus ancienne amie. Cela me rassure d’être ici avec elle.
_ Où ça ? Qui ? Avez vous trouvé le capitaine ? Ou peut-être le navigateur ?
_ Non, c’est Ayuméa et Meyra.
Bon, au moins je ne manquerai pas de courtisanes pour s’occuper de mes cheveux, d’ailleurs c’est un réel enfer, ma tunique est déchirée, mes malles de vêtements ont dû sombrer dans l’océan avec le reste du vin, de nos provisions et de l’équipage.
Nous devions rejoindre Ozaka pour mon Kagura (c’est un rituel offert aux divinités, oui je ne suis pas n’importe qui). Nous étions à bord de notre Aeraqua (c’est un bateau à vapeur glissant, une prouesse d’ingénierie créée par mon frère cadet). Plus rapide qu’un bateau, légèrement moins qu’un avion mais surtout plus sûr que ces derniers et bien plus rapide que les ballons dirigeables. Mais qu’est-ce qui a pu bien se passer pour que l’on s’échoue ici…
Il va m’entendre…
_ Oh mon dieu Meyra ! Votre main !
Enfin ce qu’il en reste. Le naufrage ne l’a pas épargnée, il lui manque littéralement 4 doigts. Elle a l’air complètement dans les vapes. Je l’ai surprise plusieurs fois à fumer de l’opium avec Ayuméa mais elle a l’air encore plus dans les vapes que lors de son utilisation. D’ailleurs elle ne me répondit même pas, j’ai l’impression qu’elle est littéralement entre deux mondes.
_ Princesse que voulez-vous que nous fassions ? Demanda Ellie
Merde…. Mon statut m’impose de prendre des décisions plutôt que d’ordonner ce qui peut me passer par la tête en temps normal dans cette situation j’imagine. N’allons surtout pas leur dire que nous allons toutes vers une mort certaine. S’il y a bien quelque chose dont je veux être fière c’est de raconter cette histoire à la cour et gagner le crédit que je mérite qui n’a jamais pu s’exprimer. Je vois déjà une cérémonie somptueuse pour mon retour, et le respect de l’ensemble du royaume suite à cette aventure.
_ Avez-vous vu l’épave de l’Aeraqua lors de votre exploration ?
_ Princesse, je n’ai trouvé que des débris et les filles.
C’est décevant…
_ C’est tout ? Vous etes partie au moins 6 h (Ellie se fout de moi ou quoi ?)
_ Le retour a été pénible, l’état de Meyra est très inquiétant. Cependant sur la route j’ai croisé plusieurs cours d’eau, je ne veux pas m’avancer mais j’ai l’impression que cette île pourrait nous apporter bien des surprises.
Quelle égoïste je n’en reviens pas ? Elle me ramène Meyra avec 4 doigts en moins et même pas une goutte d’eau pour sa Princesse et amie ?
_ Ces cours d’eau sont-ils loin ? Je meurs de soif…
_ Pardon Princesse, tenez je vous ai ramené ce que j’ai pu.
Ahh j’ai été mauvaise langue, mais j’aurais préféré qu’elle commence quand même par une bonne nouvelle. L’eau est primordiale, non ? D’ailleurs l’eau est miraculeusement bonne, c’est la meilleure que j’ai pu mettre dans ma bouche, c’est réellement surprenant. J’aurais pu en avaler 3 ou 4 fois plus mais c’est déjà très bien de m’avoir ramené ce qu’elle a pu vu les conditions.
Bon effectivement nous sommes toutes les trois et demie dans une sacrée merde (car oui Meyra n’est plus à considérer comme une personne à part entière selon moi), même si les dires d’Ellie semblent encourageants pour notre survie à court terme, je ne donne pas cher de notre peau, sans parlé de Meyra...
Ayuméa quand à elle semble plus que perturbée. Depuis leur retour elle ne m’a même pas adressé ses respects ni même un regard. Elle qui est d’habitude toujours joviale et pleine de vie, sa positivité excessive peut parfois être étouffante, cependant actuellement elle ressemble à un mochis déconfit. Je ne la reconnais pas, mettons cela sur le compte de cet événement plus que perturbant.
_ Et vous Ellie, ça va ?
Oui Princesse merci, je n’ai que quelques éraflures et j’ai peur et je m’inquiète pour Meyra et Ayuméa n’a pas dis un mot et j’ai… et les …
Elle éclate en sanglots en posant ses mains sur son visage. Bon passons je ne lui ai pas demandé un exposé de la situation mais comment elle allait, j’ai des yeux… Cependant j’ai l’impression que nous sommes sur la même fréquence elle et moi… Elle est plus jeune de quelques années, cela va la faire grandir si nous survivons.
_ Ressaisissez-vous, nous sommes toutes les 4 et si cela peut vous rassurer d’après mes calculs, d’ici peu, le royaume d’Osaka se rendra compte de notre disparition, un Egram (l’équivalent d’un email pour vous) sera envoyé et mon père instantanément enverra une armée entière pour récupérer sa seule et unique fille aînée chérie.
Elle peut s’estimer heureuse dans cette tragédie d’être avec moi sinon son sort aurait été tout naturellement scellé à une mort certaine, dévorée par des crabes cannibales j’imagine…
_Vous avez raison princesse pardon, dit-elle en s’essuyant les quelques larmes qui ruisselaient le long de ses joues.
Alors, partons du principe que les cours d’eau ne sont pas si loin si elle a pu me ramener à boire en soutenant Meyra, il va falloir penser à un moyen de se faire un abri, mais où surtout ? Rester sur la plage ou se diriger vers les cours d’eau ? Ne connaissant pas la faune sur cette île, est-ce une île d’ailleurs ? Je préfère que nous restions à portée de l’eau, mais assez éloignées pour éviter toute rencontre. Me défendre contre des crabes est plus rassurant que contre je ne sais quel animal tropical avec des dents ou griffes que je ne pourrais écraser avec mon pied. Et je déteste les moustiques qui doivent être présents en nombre là-bas. Une idée me vient ! Trouver d’autres humains ? Après réflexion, deux courtisanes et demie et la divinité en devenir que je suis pourraient tout à fait finir par se faire agresser, violer et enterrer sans que personne ne le remarque. Les humains peuvent être horribles, n’attirons pas l’attention pour le moment…
_Ellie, vous allez m’aider à construire un abri sur la plage.
Elle acquiesce avec des yeux de biche perdue, c’est mignon et agaçant à la foi, puis elle se met instinctivement à la recherche de ce qui pourrait nous servir.
_Ayuméa !?
Elle relève ses yeux qui étaient plongés dans la plaie de Meyra, c’est d’ailleurs bien dégueulasse je ne vous le cache pas, il y a du sable, de la terre et des petits moucherons en vol stationnaire autour de ce qui lui reste de main, ça s’apparente limite à un moignon bien entamé. Avez-vous l’image du serviteur dans Scary Movie ? (Oui nous avons certains de vos films sur le câble transitionnel.) Eh bien pareil, c’est crade mais le voir de cette façon est à mon avis “dédramatisant” dans la situation actuelle.
Oui… ? Princesse
Bon le mochis, il va falloir se ressaisir rapidement nous sommes tous dans le même bateau et c’est maintenant que l’on aurait besoin de ta positivité qui est normalement si prenante et exaspérante parfois…
_Trouvez un moyen de ramener de l’eau ici car ce n’est pas pendant la nuit que nous pourrons faire des allers-retours et j’aimerais que nous restions ensemble au maximum quand nos sens seront mis à rude épreuve.
Le fait de lui donner un ordre semble lui redonner de l’aplomb.
_Oui princesse…
Je la vois disparaître à travers les feuillages verdoyants d’un pas incertain.
Que faire de Meyra ? Elle est plus blanche qu’une feuille de papier, en regardant bien on peut même y voir des reflets jaunâtres. C’est assez déconcertant, j’envisage le pire pour elle. Elle est assise par terre le regard vide, je n’imagine pas ce qu’elle peut ressentir à ce moment. Cela doit être terrifiant. Il faut qu’elle commence par nettoyer son moignon, je ne comprends pas pourquoi elle ne l’a pas fait dans les cours d’eau qu’elles ont croisés en chemin d’ailleurs.
_AYUMEA !!!!!!!!!! Revenez si vous m’entendez !
Quelques secondes après mon cri elle réapparaît l’air effrayée.
_Tout va bien ne vous inquiétez pas, prenez avec vous Meyra, nettoyez sa plaie et pensez à l’eau surtout.
Elle l’aide à se relever difficilement puis partent toutes deux d’un pas incertain effectuer les missions que je leur ai confiée. J’espere qu’il ne va rien leur arriver…
_ELLIE !!!!!!!! J’arrive vous aider ne partez pas trop loin, où etes-vous ?
_Ici princesse.
Je dois malheureusement montrer l’exemple, mon confort n’existe plus, la seule chose qui me reste est mon statut, mon autorité et mon intelligence situationnelle. Je n’ai aucune idée de ce qui nous attend, c’est terrifiant mais je ne vais pas me laisser mourir sur cette plage avant d’avoir fait de mon mieux.
Père s’il te plaît dépêche-toi….
Chapitre 1
Nous ne pourrons pas dire que nous n’avons pas fait de notre mieux. Ayumea et Meyra sont rentrées avec des débris qu’elles ont remplis d’eau pour la nuit. J’imagine que ce sont des morceaux de l’Aeraqua. Meyra a repris des couleurs, elle a réussi à couvrir ce qui lui reste de main, merci, car la vue de ce morceau de viande devenait insoutenable. C’est donc avec Ellie et Ayumea que nous avons finalisé ce qui sera notre abri pour au moins cette nuit. Nous sommes bien loin de n’importe quelle chambre d’un palais quelconque, mais nous devons en être fières et apprécier cette victoire. Surtout que, malgré la fatigue et notre manque de compétence manuelle si visible, nous avons réussi à construire quelque chose qui tient debout, tout cela sans s’entretuer, et il n’est pas dans leur intérêt de me contredire. J’ai quand même peur qu’à un moment ou à un autre mon statut divin ne suffise plus, vu les conditions actuelles…
La confection est assez simple : quatre énormes branches plantées dans le sol sur les côtés puis une en travers qui s’avère être notre toit, le sommet est croisé en X et, à l’aide de Lianne, nous avons fait en sorte de l’accrocher solidement. Pourquoi n’avons-nous pas au moins un membre d’équipage qui aurait pu faire les nœuds… ? Une fois cette base réalisée, nous sommes ensuite allées chercher du feuillage pour nous confectionner un matelas et bâtir un toit afin de nous protéger d’une pluie éventuelle. Tadaaaaaaa : une espèce de tipi/tente créé, et tout ça avant la tombée de la nuit.
Nous pouvons même faire un dernier aller-retour au cours d’eau. J’ai l’impression que nous sommes toutes exténuées… Nous n’avons toujours rien mangé, ou alors elles ne m’ont rien rapporté ? Non, je ne pense pas quand même.
— Les filles ! Allons boire avant que nous ne voyions plus à dix mètres devant nous.
Meyra est assise sur un caillou, de dos, mais je peux quand même voir l’affreux moignon qui lui sert de main ; les deux autres ont les pieds dans l’océan et se rincent le sable accumulé lors de notre construction. Elles viennent à moi péniblement ; je vois dans leurs yeux qu’elles ont peur et qu’elles sont toutes aussi fatiguées l’une que l’autre. Mon langage corporel ne le montre pas, mais j’imagine être dans le même état qu’elles.
— Où se trouve le cours d’eau ? Est-ce loin ?
— Non princesse, suivez-nous, c’est à moins de quinze minutes de marche, je dirais.
C’est Ayumea qui répond. Pendant la construction, elle a retrouvé un peu de positivité et d’entrain. Cela sera notre première force, j’imagine : si nous restons soudées, enfin, si elles m’écoutent et restent positives, tout ira pour le mieux. En parlant de force, il va falloir qu’à un moment ou à un autre nous trouvions un moyen d’avaler quelque chose… Espérons que la route nous réserve de bonnes surprises. Me voilà en train de rêver de mochis goût tiramisu et de pancakes que notre cuisinier fait si bien, vous voyez ces pancakes aérés qui ressemblent à des nuages ? Je pourrais tuer pour en obtenir au moins un maintenant…
— Princesse ?
— Oui, Ellie ?
Si elle me parle de mochis et de pancakes, c’est vraiment une super copine : j’aurais bien besoin d’une conversation qui sorte de notre funeste sort actuel.
— Pensez-vous que Meyra va survivre ?
Et merde… Il ne pouvait pas y avoir pire question, mais je me l’étais posée aussi.
— Ellie, voyez vous une boule de cristal dans ma poche ? Je n’en ai aucune idée. Je l’espère, mais s’il vous plaît, pensez plutôt à la vie. Vous devez… Ayumea, j’espère que vous écoutez aussi, nous devons nous mettre dans la tête que nous allons toutes survivre à cette épreuve : pensez au banquet à notre retour, pensez à la fête somptueuse en mon honneur. Après mon Kagura, je ferai de vous mes premières courtisanes, qui auront elles aussi leurs propres courtisanes. Ellie, je ferai de vous ma première et vous aurez donc les privilèges qui iront avec ; Ayumea, quant à vous, si besoin je vous ferai pousser un champ de pavot privé. Mon enthousiasme les fait sourire : voilà ce qu’est la force de l’imagination. Même si j’ai aussi des doutes. La force de la positivité doit toujours l’emporter. Ce qui me rend triste aussi est l’état de ma tunique bien amochée : le bleu cyan en soie tire sur le gris. Une partie de mon genou gauche apparaît et la bretelle du même côté a disparu, arrachant au passage une partie de mon bustier. Je dois me battre avec mon sein pour qu’il ne s’échoue pas lui aussi sur le sable. Tu parles d’une princesse divine, je ressemble plutôt à une fille de joie du quartier poisseux de Kamasako à Ozaka. Les filles ne sont pas mieux que moi : leurs tuniques noir et argent se flétrissent à vue d’œil. Ellie a dû se refaire un bustier avec ce qu’elle a trouvé ; il ne reste qu’une jupe de ce qu’elle portait avant le naufrage. Ayumea, quant à elle, est plus chanceuse : sa tenue est presque intacte, mais déchirée à plusieurs endroits. J’ai envisagé de lui demander, mais je n’ai pas envie qu’on la prenne pour une princesse si elle porte ma tenue. Ce que je porte et le fait d’être coiffée sont maintenant les seules différences entre mes courtisanes et moi.
— Est-ce encore loin ?
Les moustiques commencent à apparaître et, comme tous les garçons de la cour, ils m’adorent…
— Non princesse, juste derrière les débris que vous voyez là-bas.
C’est Ayumea qui répond ; elle emboîte le pas d’une manière assez décisive depuis que j’ai parlé du champ de pavot. Mais attendez, qu’est-ce que c’est ?
— Avez-vous oublié de me dire quelque chose ?
Les deux s’arrêtent et me regardent comme si elles avaient fait une bêtise.
— Princesse, nous voulions vous en parler.
Non mais attendez, elles rigolent là ? Il y a, au milieu de la forêt, des débris qui s’apparentent à une épave de ballon, sauf que le plus inquiétant, c’est que ce ne sont pas des débris de notre Aeraqua…
— Avez-vous été voir ?
— Non princesse, nous avons fait ce que vous nous avez dit au plus vite.
Elles n’ont pas tort. Bon, j’imagine qu’un choix est à effectuer maintenant. Les rayons du soleil deviennent de plus en plus faibles, tout comme les chances de survie de Meyra… Mais la possibilité de trouver des choses utiles est aussi à envisager.
— Le cours d’eau est encore loin ?
— Juste derrière les débris de l’épave princesse, nous pouvons déjà le voir, regardez.
Effectivement, nous sommes arrivées ; mon choix est fait, nous devons faire un tour à l’intérieur. Oui, je suis curieuse et l’idée de trouver des choses utiles prend le dessus.
— Ok, Ayumea, trouvez de quoi prendre de l’eau ; Ellie, venez avec moi, nous allons fouiller les débris. Restons en vue, ou au moins à portée de voix, et ne traînons pas.
Ayumea prend immédiatement son rôle en main et part au petit trot vers le ruisseau, quand à Ellie et moi nous nous dirigeons vers la première partie de ce qui s’apparente à un ballon dirigeable ionique. La structure est séparée en trois parties : ce genre de ballon peut mesurer plus de deux cents mètres de long et servir à bien des usages, ballon cargo, transport de ligne grande capacité, moins rapide que les avions mais capable de transporter plus de personnes. Nous en avons un royal à la cour qui a été réaménagé en vrai palais volant ; dedans, ma chambre principale est ornée de topaze et d’or, j’ai une douche en pierre de marbre venant directement d’Italie, hummm, une douche j’ai aussi un salon de coiffure, un chef prêt à me faire ces mochis et pancakes que je désire si fort maintenant, le goût d’un bubble tea Hojicha avec des noisettes caramélisées à la française… Bon, il faut que j’arrête, j’ai l’impression que mon estomac se dévore de l’intérieur et je salive à m’en faire fondre la langue…
Nous arrivons près de la plus grosse masse de débris du ballon ; j’essaie de trouver des inscriptions ou toute marque pouvant me donner des informations sur l’origine de l’engin. De toute évidence, c’est l’avant du ballon, car il trône là une figure de proue majestueuse. C’est une sirène magnifique ; cependant, une énergie négative en émane. Le propriétaire de ce monstre volant avait un message à faire passer.
Nous nous approchons ; il fait de plus en plus froid, et le soleil est presque un souvenir à l’horizon. La nuit risque d’être compliquée, il faut réellement que nous trouvions quelque chose d’utile à l’intérieur. L’épave doit faire aux alentours de vingt-cinq mètres de haut ; l’idée de pénétrer ce ballon est réellement impressionnante. La toile est déchirée, mais ce qui me choque le plus, c’est qu’elle n’a pas l’air très ancienne. Ce qu’il reste de la toile laisse les derniers rayons du soleil pénétrer l’épave, cela nous sera d’une grande utilité une fois à l’intérieur.
— Ellie, soyez prudente s’il vous plaît.
Elle leva les yeux, rassurée par mes paroles. C’est le moment de pénétrer dans ce ballon et de se mettre à la recherche de tout objet utile. J’espère que Meyra va bien. Nous faisons un léger détour ; cependant elle a vu l’épave et peut imaginer que nous ayons la curiosité d’aller voir. Soyons rapides et efficaces ; je suis à la fois curieuse et effrayée.
Ne traînons pas.
Chapitre 2
Chapitre 3
L’épave est une véritable mine d’or. Demain, nous reviendrons. Établir notre camp ici est une option à envisager. Nous n’avons pas pu en faire le tour complet : le soleil s’était déjà couché et seule la réverbération de la lune nous éclairait. L’intérieur est réellement sombre, mais nous avons quand même trouvé des vêtements qui pourraient servir de couvertures pour cette nuit. D’accord, ils puent. D’accord, ils sont moches. Mais d’accord, je ne veux pas mourir de froid et me faire dévorer par les moustiques…
Ellie porte dans ses bras deux couvertures et deux grands manteaux. Elle a déjà enfilé quelque chose pour se protéger. J’ai la même chose dans les mains et je me suis moi aussi couverte d’un long manteau en peau d’on ne sait quel animal. Il a dû prendre l’eau plusieurs fois, il est encore froid mais sec : il remplira au moins sa fonction première. J’ai aussi trouvé un couteau… ou plutôt une dague. Assez longue et pointue. J’espère ne pas avoir à m’en servir, ou seulement en toute dernière nécessité. Les filles n’en savent rien et je vais garder ce secret. Mais dans le cas où il faudrait montrer ma supériorité par la force, je n’aurai peut-être pas le choix. Cela me peine de penser ainsi… mais la fin justifie les moyens, n’est-ce pas ? Dans ces conditions, cette expression prend tout son sens.
Les yeux d’Ellie pétillent d’avoir trouvé ces précieuses ressources. Elle n’en revenait pas. L’excitation avait pris le dessus, et elle n’avait plus qu’une seule idée en tête : débusquer tout ce qui pouvait l’être. Il a fallu calmer ses ardeurs, car cela devenait dangereux. Nous ne sommes entrées que dans la première partie de l’épave et nous n’avons fouillé qu’une dizaine de minutes, ce qui représente à peine 5 % de cette zone. L’épave doit encore receler bien des surprises, j’en suis certaine.
Ayuméa est en marche pour nous rejoindre. J’ai hâte de voir son visage lorsqu’elle découvrira nos trouvailles. Cela redonne un coup de peps au moral, car entre la nuit tombante, les bruits étranges de la forêt et la perte de nos repères, mon enthousiasme aurait sans doute été mis à rude épreuve.
Ellie et moi attendons là où nous avons quitté Ayuméa. Je l’ai apellé, elle revient vers nous. J’ai hâte de lui tendre un manteau pour qu’elle se réchauffe à son tour. La forêt épaisse est désormais bien fraîche et incertaine. Malgré l’odeur c’est quand meme assez réconfortant.
J’aurais aimé trouver quelque chose qui ressemble à un moyen de communication encore en état de marche. Oui, je suis une rêveuse… mais l’espoir fait vivre. Ce n’est pas perdu, nous reviendrons dès demain pour poursuivre les recherches.
Ayuméa réapparaît, portant plusieurs baluchons remplis d’eau. Ne me demandez pas comment elle a réussi cet exploit !
— Super, nous sommes toutes les trois en vie ! Et Ayméa regardez, ce que nous avons trouvé.
Ellie et moi déposons au sol les quatre manteaux récupérés.
— Allez y, choisissez celui qu’il vous plaît. Il y a même un peu de choix, regardez !
Dans ce crépuscule épais, j’aperçois un petit sourire. Elle saisit le manteau le plus proche d’elle et l’enfile délicatement. Oui, il est glacé. Les vingt-cinq premières secondes sont un supplice, comparable au passage des hanches dans une eau glaciale… Sans oublier que ce manteau sent horriblement mauvais.
— Merci, princesse. Regardez, nous aurons aussi assez d’eau pour la nuit.
Elle a ingénieusement utilisé des morceaux de la toile du ballon pour confectionner des baluchons qu’elle a remplis d’eau, puis fermés avec ce qu’elle a trouvé. Décidément, nous formons une bonne équipe dans notre malheur.
— Très bien, retournons sur la plage. Meyra doit être complètement gelée.
Ellie prend la tête du groupe. Dans d’autres circonstances, on pourrait croire à une colonie de vacances façon boy-scout… mais non. Nous sommes réellement en danger : perdues, sans vivres, sans abri digne de ce nom. Et en retournant sur la plage, nous allons devoir affronter de nouveau l’horrible réalité : l’état de Meyra. J’imagine déjà sa main atrophiée… et l’idée de l’odeur qui s’en dégage me donne littéralement des hauts le coeur. Aucun moyen de panser cette blessure ni de la nettoyer correctement. Ce n’est pas avec deux feuilles d’arbres tropicaux et un peu d’eau que ce moignon guérira. Aucune de nous quatre n’a de talents de guérisseuse. Pourtant, dans une forêt si luxuriante, avec ses animaux et insectes, il serait peut-être possible de concocter une lotion apaisante. Mais moi ? Je refuse d’être responsable d’un “remède” bricolé avec une soupe de pinces de crabe, deux lianes de bananier, de la bave de limace verte et du sang de macro. Et puis, nous sommes quand même en 2031, en pleine ère quantique. Notre médecine traditionnelle existe encore, mais les potions de sorcières ne sont plus que des reliques du passé, sauf peu être dans quelques coins reculés du Japon. Bref : il n’y aura pas de miracle de ma part, même si je suis une divine princesse en devenir. J’espère que ma présence suffira…
— Avez-vous entendu ? demanda soudain Ellie.
Elle s’arrête brusquement. Mon ventre se serre. J’entends comme un doux chant, un murmure venu siffler à mon oreille. J’aurais cru à une blague d’Ayuméa… mais non, ce n’était pas elle.
— Qu’est-ce que c’était ? Avez vous entendu Ayuméa ?
— Oui, princesse… J’ai eu l’impression que quelqu’un, juste derrière moi, me chantait une comptine dans une langue inconnue. Et vous aussi ?
Je ne suis pas folle. L’imagination peut jouer des tours… mais à moins que nous soyons devenues télépathes ou que nous partagions le même cerveau, nous avons réellement entendu la même chose. Ayuméa l’a très bien décrit : une comptine douce, inconnue, qui n’a duré qu’une seconde, peut-être deux. Mais l’avoir perçue comme si elle était chuchotée juste derrière nous… terrifiant.
— Ellie, comment la décrirait vous ?
— Une comptine enfantine, chantée par une voix féminine. Profonde. J’ai ressenti comme un coup à la poitrine alors que mes oreilles réclamaient d’en entendre davantage.
Elle a mis des mots précis sur ce que j’ai ressenti aussi. Impressionnant. Dans ce cas, elle a parfaitement exprimé ce que moi-même je n’aurais pas su dire. Non, je ne pense pas que l’une d’elles essaie de me jouer un tour. La conclusion est claire : nous ne sommes pas seules.
Moi qui comparais tout à l’heure notre situation à une colonie de copines, voilà que cela tourne au film d’horreur. Mon rythme cardiaque s’accélère et des frissons me parcourent l’échine suite a cette idée glaçante.
— Rentrons sur la plage. La réverbération de la lune nous guidera. Ne traînons pas dans cette forêt.
L’idée d’utiliser ma dague contre cette pseudo “chanteuse de comptine” me rassure un peu. Et dans le pire des cas, si nous devons fuir… nous pourrons toujours utiliser Meyra comme appât. Elle n’a qu’une main en moins, mais si une créature mystique veut nous dévorer, elle fait bien ses cinquante kilos et pourrait rassasier cette chanteuse si l’envie de nous manger lui vient. Ne me jugez pas : j’explore des réalités quantiques de mon imagination. Si j’y pense, c’est qu’une probabilité existe quelque part, dans une dimension. Après tout… vous existez bien, vous.
Nous approchons de la plage. Après cet incident troublant, nous hâtons le pas. Meyra a peut-être entendu elle aussi. Elle doit être terrifiée et n’oublions pas qu’elle est seule. La marche, combinée au manteau que je porte, m’a fait transpirer. Une première goutte de sueur me glisse doucement dans mon dos. Je suis essoufflée… Courage, il ne reste que quelques minutes.
Enfin, nos pieds foulent le sable. Nous nous arrêtons pour retrouver le chemin de l’abri. La plage est plus claire, mais… je ne reconnais pas l’endroit. Ellie et Ayuméa, elles, semblent savoir où aller. Par miracle, nous retrouvons notre abri. Il n’a pas été emporté ni abîmé. Une excellente nouvelle ! Si on m’avait dit un jour que je serais heureuse de m’allonger sur des feuillages dans un abri de fortune, sur une plage inconnue… j’aurais éclaté de rire.
Nous déposons les couvertures, les manteaux et les baluchons d’eau. Je suis exténuée. C’est le moment de passer en “mode avion”…
— Princesse, avez-vous vu Meyra ? me demande Ayuméa.
Merde… où a-t-elle bien pu aller ?
— MEYRA ! MEYRA !...
Aucune réponse. Vu son état quand nous l’avons quittée, je doute qu’elle ait pu aller bien loin. Quelle mission aurait-elle pu entreprendre ? Je l’imaginais plutôt somnolente, nous attendant dans l’abri…Et si la cette chanteuse l’avait déjà emmenée, et si elle avait été secourue, elle est peu être partie faire un tour ?
Non Ellie revient de la direction du cailloux ou Meyra était assise, dans ses mains se trouve un morceau d’étoffe de la tunique noir et argent que mes trois courtisanes portent…
Merde. La colonie de vacances est bel et bien terminée.
Chapitre 4
Les premiers rayons du soleil me réveillent. Miraculeusement, j’ai quand même dormi. J’ai même rêvé : c’était intense. Je n’arrive ni à me remémorer ni à mettre des mots sur ce rêve, mais j’ai l’impression d’avoir été frappée mentalement. Mettons ça sur le compte du stress, de l’anxiété et de la peur. Meyra n’est pas rentrée pendant la nuit. Je ne sais pas où elle est, ni si elle va bien. Je l’espère…
Nous avons discuté de la situation et aujourd’hui nous retournons à l’épave. Peut-être que Meyra a eu peur, seule sur la plage, surtout à la tombée de la nuit. C’est vrai que nous avons mis plus de temps que prévu… Mais surtout, cet événement marquant qui nous a toutes glacé le sang, est-il lié à sa disparition ? Je n’espère pas. L’a-t-elle aussi entendu ? Les monstres, fantômes et créatures mystérieuses ont normalement disparu depuis longtemps ou ont-ils seulement existé un jour ?
Ma grand-mère était très spirituelle et croyante ; elle tenait une histoire que lui avait été racontée par sa propre grand-mère, si ma mémoire ne me trompe pas. Elle parlait d’une envoûteuse, mi-femme, mi-chat, mi-sirène (oui, ça fait beaucoup). Au fil des siècles, elle aurait changé de forme et se serait adaptée en vieillissant. Elle avait le pouvoir d’envoûter les hommes ; son pouvoir était si fort que des villages entiers pouvaient se retrouver privés de toute présence masculine. D’après les anciens, cela a entraîné de réelles tragédies : des villages sans hommes se sont retrouvés à la merci d’invasions, de rafles, et tout ce que l’on peut imaginer de pire..
Les récits racontent que cette entité, selon la forme qu’elle prenait, pouvait émettre un ronronnement lorsqu’elle avait l’apparence féline et un hurlement strident sous forme de sirène. Ces histoires sont-elles réelles ? Sont-elles de simples légendes ? Ont-elles un lien avec ce qui nous arrive ? Les contes et légendes abondent dans notre monde : il existe mille variantes et des récits encore plus sordides, hommes-lions, chauves-souris aux dents d’ours, ou ces fameuses araignées rêveuses qui nous terrifiaient enfants.
Notre état de détresse actuel alimente forcément notre imagination. Nous, trois naufragées, inventons des scénarios dignes du prochain blockbuster de science-fiction et d’horreur… Pas exactement le meilleur état d’esprit pour garder la tête froide. Bon : il est temps de penser au réel. Dans deux jours, nous devions atteindre Ozaka ; dans la journée, ils vont se rendre compte que quelque chose cloche puisque nous n’émettons plus aucun messages. Je peux donc supposer que dans deux ou trois jours des recherches seront lancées. Je dois tenir ce discours, paraître sereine, tout en gardant en tête que ce n’est qu’une probabilité.
Aujourd’hui, j’aimerais que nous trouvions à manger. Même si nous ne faisons pas de festin, j’aimerais que ma divine présence invoque un repas digne de ce nom, car oui, mon ventre commence à hurler. La forêt pourrait nous fournir quelque chose, il y a aussi l’océan et, éventuellement, l’épave… Une grosse et longue journée nous attend.
La première bonne nouvelle du jour : je ne sens plus l’odeur des manteaux. Les avoir sortis de l’épave a dû les aérer. Ou alors mon odorat s’est habitué ? Hum non : je sens l’odeur de mes aisselles. Commençons la journée par un bain dans l’océan, et les filles me coifferont ensuite (on ne sait jamais, je tiens à garder cette distinction).
Le fait de me lever réveille les deux autres. Je me dirige vers l’océan pour me rincer. J’utiliserai l’une des couvertures pour me sécher. Une chose après l’autre.
Je me déshabille donc, à la vue de toutes, tant pis, je n’ai pas le choix. Ce sont mes courtisanes ; elles m’ont déjà vue nue a maintes reprises, elles me coiffent et s’occupent de ma toilette au palais. Je laisse ma tunique sur un rocher non loin de l’eau et m’approche du rivage.
L’eau est plutôt bonne. En avançant, j’aperçois de petits crabes, des poissons minuscules, peut-être même des crevettes. On pourrait presque envisager un élevage de crabes. La soupe de crabe existe, non ? Zut : il faut faire un feu pour une soupe. Hier, nous n’avons pas essayé mais la question a été posée, bilan : aucune de nous n’a jamais allumé un feu. Et je ne suis sans doute pas assez « divinement sacrée » pour faire apparaître des flammes d’un geste. L’idée de manger du crabe froid goût d’océan accompagné de son sable me donne la nausée, mais il faudra bien y songer si nous nous éternisons sur cette plage.
Je me rince à l’eau salée : ce n’est pas agréable, je sentirai le sel sur ma peau. Pourquoi n’ai-je pas attendu d’être au cours d’eau, quand nous retournerons à l’épave pour faire ma toilette ? Barbotons, et donnons l’air qu’une baignade matinale était indispensable.
J’ai aussi oublié la couverture pour me sécher, décidément, je ne suis pas réveillée. J’ai aussi l’impression que les filles ont commencé à oublier ce qu’elles sont pour moi… Ne commençons pas, mais cela ne devra pas se reproduire. Je n’ai pas envie de mettre de pression supplémentaire, mais elles ont quand même des devoirs envers moi.
C’est donc nue, le menton haut et la tunique à la main, que je remonte la plage. Elles sont assises et discutent, visiblement inquiètes. Je reconnais le visage qu’arborent Ellie et Ayumea… À la vue de ma nudité divine et sulfureuse, Ellie fait signe à Ayumea de se lever pour secouer une couverture et me sécher.
Super : en plus du sel, il y a maintenant du sable collé à ma peau. Je garde la tête haute et enfile ma tunique, qui tire désormais vers le gris-cyan. Rien ne va, vraiment rien ne va. À un moment il faudra que je m’asseye en silence pour faire le vide en moi.
— Ellie, Ayumea, coiffez-moi du mieux que vous pouvez. Ensuite j’irai méditer, et nous repartirons vers l’épave.
Elles acquiescent et se mettent à l’ouvrage. Les rayons du soleil tombent maintenant ; je n’ai pas d’ombrelle. Il faut que mon teint reste aussi pâle que possible pour le Kagura… sinon je risque d’être recouverte de poudre de riz, et ça, ce n’est pas envisageable.
Me voilà coiffée, prête à faire le vide. Il est temps de trouver un endroit où je me sens bien.
— Je pars méditer. Préparez-vous et gardez un œil sur moi au cas où.
Je m’éloigne pendant qu’elles se préparent, et je me demande ce que mon subconscient voudra bien me faire parvenir. Sur le chemin je recroise des crabes, qui me narguent d’une façon insolente. Ne venez pas pleurer quand vous finirez en purée…
La faim commence à s’imposer. Il va falloir une forte concentration pour ne pas laisser mes pulsions gouverner mes pensées. Suis-je encore à vue ? Oui, je ne vais pas m’aventurer plus loin. Ce rocher fera très bien l’affaire : ombragé, sans rayon de soleil inquiétant pour mon teint, visible des filles. Les critères sont respectés.
Je m’assieds, l’exercice de respiration commence. Doucement, ma concentration se focalise. Ma respiration devient alors plus longue, plus douce, plus sereine. Les couleurs reviennent, et je me laisse aller plus profondément.
Mon ventre gargouille… Cela me sort de mon état. Mais ce n’est pas ce bruit qui me gêne le plus : j’ai l’impression qu’une paire d’yeux me fixe. Est ce les filles ? J’ouvre les yeux. Ayumea se dirige vers l’océan, Ellie s’affaire à ce qui ressemble à du ménage. Qui m’observe ? Mon esprit me joue-t-il des tours ? Cela ne fait qu’un jour que nous sommes là et je me sens déjà vaciller. Est-ce d’hier que nous avons fait naufrage ? Je n’arrive même pas à m’en souvenir. L’idée d’une amnésie ne fait qu’un tour et je commence a paniquer. Inspire, expire, inspire, expire, ceci n’est que ton imagination.
Après cinq grosses et profondes respirations, je me sens calmée. Reprends ton sang-froid, ouvre les yeux maintenant.
Ils entrent en moi : à travers les feuillages, une paire d’yeux orange me fixe. Je cligne des paupières ; à la réouverture ils ont disparu. Je n’ai pas rêvé : ces yeux oranges, sinistres, m’avaient ciblés. Ils semblaient dangereux. Un animal ? Un gros insecte ? L’inquiétude me serre la poitrine. Ces yeux se sont tatoués dans mon esprit comme une marque indélébile. Qu’est ce que cela pouvait bien être ?
Je dois retourner sur la plage : les filles doivent avoir fini de se préparer. La journée va être longue. Partons du principe que mon esprit me joue des tours en tout cas, elles ne doivent pas savoir ce que j’ai cru voir. Zut, où est ma dague ? À partir de maintenant, je ne la quitterai plus…
Chapitre 5
Cette fois c’est toutes les trois que nous partons a l’aventure, je nourri de grands espoirs dans cette chance qui nous ouvre ses bras. nous nous approchons de la première partie de l’épave assez rapidement, le chemin est bien plus dégagé et familier qu’hier soir.
Revenir de jour lui donne une autre dimension : c’est encore plus grand que je ne l’imaginais. C’est réellement impressionnant. J’en perds mes mots.
La tête de proue est toujours là, majestueuse. Elle nous observe d’un air à la fois hautain et bienveillant, comme pour nous mettre en garde. Son regard glacial est déconcertant et apaisant en même temps. La voir échouée dans cette forêt luxuriante lui donne un aspect triste. Je l’imagine fière, planant dans le ciel : l’impact serait tout autre dans de tels conditions. Au final, je crois que je l’aime bien, cette mystérieuse sirène me fait penser a ma situation actuelle. Quand l’armée viendra, c’est l’une des choses que je ramènerai au palais. Peu m’importe les efforts déployés c’est décidés elle rentrera avec moi, si je finis pas rentrer ..
Les filles n’ont pas lâché un mot. Elles ne me regardent pas non plus. C’est étrange : j’aurais cru qu’un esprit de camaraderie féminine se formerait rapidement. C’est tout l’inverse. Elles ont l’air dépassées par la situation, j’aimerais qu’elles se reprennent, j’ai autant besoin d’elles qu’elles n’ont besoin de moi. Ce n’est pas sensé etre mon rôle de prendre soin des autres en temps ordinaire.
Nous sommes arrivée à l’entrée. L’immensité du lieu fait descendre la température, la lumière se fait rare, quelques rayons passent encore cependant une tension apparaît. L’atmosphère change radicalement. C’est plus sombre, plus frais, plus inquiétant. Malgré nos vêtements, nous pouvons le sentir. Mais ce n’est pas cela qui va nous arrêter : l’enjeu est trop grand, la peur ne m’arrêtera pas ni aujourd’hui ni jamais. Il n’y a pas de courage sans peur, c’est un dicton de ma mère. Je n’imagine pas qu’elle ai été mise dans une tel situation mais je prends ce conseil au pied de la lettre.
— Ellie, restez près de moi, s’il vous plaît. N’allez pas trop loin en cherchant.
Même si j’ai maintenant la dague à portée de main, j’aimerais ne pas rester seule.
— Oui, princesse.
Nous pénétrons alors. Il y a tant à explorer. Nous entrons par la face avant.
Le ballon est composé de deux niveaux. D’après mon expérience, le bas est réservé aux chambres et le haut au poste de commandement. Même en plein jour, certains endroits semblent complètement plongés dans le noir. L’idée d’une torche enflammée me vient, en rentrant au palais, la première compétence que je veux apprendre sera d’allumer un feu dans plusieurs conditions avec différents moyens, c’est un basic a connaitre vraiment important..
Le feu existe depuis 40 000 ans et je suis incapable d’en faire un : je me trouve décevante. Les filles non plus ne savent pas. C’est irritant pour du personnel censé s’occuper de moi. Respire. C’est une situation incontrôlable, penser à l’impossible ne fera qu’enfoncer mon esprit dans un tourbillon négatif.
Ayumea ressemble de plus en plus à un mochi. Elle m’exaspère. J’espère au moins qu’elle trouvera quelque chose d’utile lors de ses recherches.
Zut… je recommence. Cette situation met mon esprit en conflit toutes les trente secondes. Restons positive sur le but premier qui est de trouver des outils ou tout objets pouvant être utile a notre survis. Il y a tellement à explorer. Tâchons de faire de notre mieux. Nous avons rapidement trouvé de quoi nous réchauffer alors qui sait ce que nous allons pouvoir bien trouver. Je suis réellement excitée à l’idée de découvrir d’autres choses pouvant nous être utile.
Des bruits effrayants résonnent : des grincements stridents, des goutes d’eaux s’écoulant et frappant le sol, mêlés à des insectes, tout ces bruits résonnes dans l’épave comme une mélodie funeste témoin de ce naufrage inexpliqué. Même si la voile n’est pas visible, nous entendons le vent s’y engouffrer. Il traverse de long en large l’épave. Ces courants d’air me glacent le sang. J’ai le bout du nez et les oreilles congelés alors qu’il faisait encore agréablement chaud dans la forêt cinq minutes plus tôt. Tous mes sens sont mis a rude épreuve.
C’est lugubre. J’avais imaginé une enfilade de chambres, mais pas du tout. Ou alors, cela l’a été autrefois, mais dans l’état actuel des choses, il est impossible de visiter comme il faut. C’est encombré, très peu praticable, nos pas sont hasardeux, nous avançons a tatillon. Pénétrer dans les cavités ou devrait être disposé les chambres ne nous avance absolument a rien, nous ne faisons aucune découvertes et la plus part du temps c’est très dangereux. J’ai l’impression qu’a tout moment le sol peu s’écrouler sous nos pieds.
Nous continuons à nous enfoncer jusqu’à apercevoir un escalier montant. J’imagine qu’il mène au pont supérieur, là où se trouve le poste de commandement. Nous y serons mieux, et je n’aurai pas peur que l’étage au-dessus me tombe sur la tête.
— Prenons l’escalier.
Les filles se regardent, comme pour décider qui passera la première. C’est vrai que ce n’est pas rassurant, mais je ne vais tout de même pas passer devant.
Ellie se lance après quelques secondes. L’escalier a l’air plutôt solide, mais nous sommes toujours dans la pénombre. Les bruits venant de l’escalier après qu’Ellie ai effectuée les premiers pas ne sont pas rassurant, est ce aussi solide que je veux bien l’espérer ? Nous ne savons pas ce qui nous attend là-haut mais la décision et prise nous devons jeter un oeil. C’est a mon tour d’emboiter le pas d’Ayumea, je pose mon pied droit en premier, allé c’est parti, fais toi confiance. La peau de ma main se glace au contact de la rambarde. Dois-je vraiment garder ma main dessus ? C’est de l’acier, cependant je n’ai pas envie de m’enfoncer une écharde métallique dans la paume de la main.
Ellie est arrivée en haut, mais elle ne parle pas, pas un mot, pas une réaction, à quoi peut bien elle penser…
— Ellie, voyez-vous quelque chose d’intéressant ?
— Oui princesse, c’est le poste de commandement.
J’avais donc raison. Je me hâte.
Après une analyse rapide des lieux je ne parviens pas à estimer un âge à ce ballon. Dix, vingt ans, trente ? Je n’en ai aucune idée, celui du palais est vieux mais l’intérieur est neuf, et tous ceux dans le quel je suis monter ne ressemblaient en aucun cas a celui ci. Mais c’est dangereux, il n’y a aucun doute la dessus. Par endroits, le sol est brisé et mène directement à l’étage inférieur. Au-delà du poste de commandement, le lieu est magnifique. Être en hauteur donne une vue différente sur l’environnement. Nous voyons plus loin : la plage, les cours d’eau, et même l’emplacement des épaves.
J’espérais que cette position surélevée me dirait si nous sommes sur une île mais pas le moins du monde. Du côté opposé à la plage, je ne vois que des arbres. Et plus je monte, plus ils semblent s’élever. Je n’ai donc aucune idée de l’endroit où nous sommes.
— Princesse, il y a ici des instruments de navigation électronique, déclara Ayumea.
Je m’approche d’elle. Effectivement, cela ressemble à des instruments, mais rien ne fonctionne. Et même en temps normal, je n’aurais aucune idée de leur manière de les utiliser.
Nous commençons à appuyer intuitivement sur les boutons, espérant qu’il se passe quelque chose. Évidemment, rien.
Ellie fouille des armoires. Il y a du matériel, beaucoup de matériel, mais rien qui corresponde à ce qui nous serait utile.
— Essayons de trouver de quoi faire du feu : briquet, allumettes… tout ce qui pourrait nous permettre d’en créer.
Nous sommes toutes à vue et nous entamons chacune nos recherches, petites armoires, tiroirs, ordinateurs…
L’électronique ne nous est d’aucune utilité, alors qu’elle pourrait nous sauver si nous savions l’utiliser. Mais nous ne sommes pas dans un film où une balise GPS apparaît soudain, avec un bouton rouge sur lequel appuyer.
Ayumea trouve une lampe torche. C’est formidable. Il y en a peut-être d’autres. Elles fonctionnent à piles, la lueur qu’elle émet est plutôt faible, le plus important c’est qu’elle fonctionne et cela facilitera nos recherches dans l’étage inférieur puis dans les autres parties de l’épave.
J’ai réellement soif et faim. J’informe les filles que je vais boire dans le ruisseau en contrebas. Aucune des deux n’a soif apparemment vu qu’aucune ne veut me rejoindre, elles m’ont a peine regardée d’ailleurs. Je prends la lampe qu’Ayumea a trouvé afin de ne pas tomber dans les escaliers et de me sentir en confiance dans l’étage inférieur.
Il me faut environ 5 bonnes minutes pour sortir de l’épave. Le chemin est encombré et je n’ai personne pour m’ouvrir la voie ou simplement m’aider. Les filles commencent a prendre des libertés dont je ne suis pas sur vouloir leur laisser. Je prends mon temps : je ne veux pas me blesser.
Me voila sortie de l’épave, la chaleur revient, les couleurs reviennent, le soleil m’ébloui presque. J’ai les yeux plissé le temps que je me ré adapte a l’environnement.
Je me dirige vers le ruisseau. Je ne l’avais pas encore vu : c’est magnifique. Des plantes aux couleurs éclatantes y poussent, des arbustes sont présents ainsi que des centaines de petit cailloux reflétant les rayons du soleil dans l’eau. Par contre, il y a des moustiques. Beaucoup, même. Quand je serai sauvée, je ferai venir des ouvriers et un démoustiquer pour me construire une énorme maison non loin de la plage. Je donnerai vie à ce souvenir, vous pouvez en être sûrs.
Je m’approche du ruisseau et y plonge mes mains. J’aperçois mon reflet. Je ne distingue pas vraiment à quoi je ressemble, mais je devine les courbes de mon visage et de mes cheveux.
Ne pas pouvoir me voir réellement me donne un frisson. J’ai l’impression de ne plus être moi. Mon visage me manque. Me voir me manque. Je n’y avais jamais pensé auparavant, car je n’en avais jamais éprouvé le manque.
Le fait de se voir nous donne-t-il une idée de qui nous sommes ?
J’ai l’impression de ne plus être moi dans ce moment. Pourtant, je n’ai pas changé… si ?
Je ne sais toujours pas depuis combien de temps nous sommes là. Cette idée, ne plus voir qui je suis, s’imprime dans ma mémoire.
Est-ce que le jugement lié à notre vue sur nous-mêmes peut influencer notre comportement à long terme ? Pourquoi cette idée me vient-elle ? Suis-je en train de changer ?
Non. Je suis toujours la même : Ellaya, princesse, fille aînée de Ryosen, empereur du Royaume d’Aokami.
Mon chemin est tracé. Je dois aller à Osaka pour mon Kagura, devenir la divinité qui sommeille dans mon ADN. Voilà qui je suis. Cette étape n’est qu’un passage. Je dois la voir comme un rite initiatique, une épreuve de la vie.
Je me rince le visage avec l’eau du ruisseau. Elle a l’air miraculeuse. Elle descend directement des cieux. Je n’arrive pas à comprendre comment, au palais, nous n’avons pas une eau si pure.
Je bois comme si personne ne me voyait, je pourrais plonger ma tête et boire a pleine gorgée tellement cette eau bonne. Ce n’est pas un comportement approprié pour quelqu’un de mon rang, mais cela fait tellement de bien.
Même le contact sur la peau est incroyablement doux. Il faut le vivre pour le comprendre : en fermant les yeux, c’est comme une caresse de chat sur le visage…
Quoi ?
Est-ce mon reflet ?
Les yeux jaunes de ce matin me fixent dans l’eau. Est-ce les miens ? D’où viennent-ils ? Est-ce mon esprit ? Est-ce la faim ?
Ils ne disparaissent pas. Je les fixe et ils me fixent.
Je cligne des yeux, me forçant a les fermer aussi fort que je le peux, ils s’effacent…
Je perds la tête. Littéralement.


Chapitre 6
Je suis maintenant assise sur un rocher après m’être rincée dans le ruisseau, c’était insupportable de fouiller l épave avec le sel qui me tiraille la peau, je me sens enfin fraîche et prête, malgré l’angoisse qui serre ma poitrine, j’essaie de comprendre ce qui m’arrive : mon esprit me joue-t-il des tours à cause de cet endroit ? Ou suis-je en train de développer une réaction suite aux événements, un syndrome post-traumatique ? Je vais mettre ça sur le compte de la fatigue accumulée à la faim. J’ai envie de croire à cette deuxième option ; mon ventre hurle, il réclame une solution. Au-delà de la faim, c’est l’énergie qui va bientôt me manquer si rien n’est fait. Crapahuter dans l’épave me brûle des calories que je n’ai pas et que je n’aurai sans doute bientôt plus en réserve.
Il est impossible qu’il n’y ait rien d’autre à manger ici que ces crabes sur la plage. Peut-être des racines, des fruits… Sur le chemin nous avons croisé plein de fruits différents, mais je n’en reconnais aucun. Comment savoir s’ils sont comestibles ? J’aurais pu envisager Meyra comme testeuse et me reposer sur elle, mais elle n’est plus là avec nous… Cela ne fait qu’un jour et demi que nous l’avons perdue, et pourtant son souvenir s’imprime de plus en plus fort.
J’observe autour de moi : j’en suis sûre, il y a des choses comestible. Si je n’étais pas dans cet état de détresse, la vue serait agréable : la végétation luxuriante, les couleurs, le ruisseau et son murmure, les oiseaux par dizaines, les odeurs, cet air si pur. J’aurais aimé vivre ce moment dans d’autres conditions. Je ne finirai pas échouée comme cette figure de proue ; je me le promets. Mon destin est bien trop grand. Cette épreuve va me faire envisager des choses qu’on n’aurait jamais dû imaginer… C’est excitant et déroutant à la fois.
Des pas me font sursauter, je me retourne brusquement,
Ouuuf, ce sont les filles… Ellie tient un revolver et Ayuméa porte un fusil d’épaule. Zut : ma dague risque de ne plus être aussi efficace que prévu, mais j’ai toujours cette effet de surprise. Elles l’ignorent toujours; garder un atout secret reste un avantage. C’est une trouvaille qui reste indéniablement utile.
Avez-vous trouvé les munitions ?
Oui, princesse, nous avons trouvé plusieurs boîtes.
Formidable. Peut-être pourrons-nous chasser : les boîtes contiennent de la poudre inflammable et une idée me traverse l’esprit. Avec le soleil et du verre on peut concentrer la chaleur, il y a beaucoup de papier dans le poste de commandement… Peut-être pourrons-nous allumer un feu. Une soupe de crabe ou une confectionner une rôtisserie deviendrait envisageable. La chance nous sourit enfin !
_Retournons à l’intérieur, essayons de trouver du verre pour utiliser la lumière du soleil. »
Elles ne sont jamais allées à l’école et la science leur est étrangère ; ça se voit. Elles ne m’apportent que peu d’idées ces derniers temps, et ça me pèse.
Après une heure de recherche, nous trouvons miraculeusement une loupe, les filles ne savaient pas ce que c’était. Cette différence culturelle me frappe et me conforte dans l’idée que mon esprit est singulier. Nous retournons vers la plage avec nos trouvailles. Malgré tout je retrouve le sourire : avec de la volonté et un peu de chance, nous y arriverons.
_ L’une d’entre vous a-t-elle déjà tiré avec une arme à feu ? je demande.
Elles me regardent, étonnées. Au royaume, de telles armes auraient pu les mener à la pendaison… Elles hochent la tête négativement. Je ne pense pas qu’elle puisse me mentir.
J’ai déjà tiré, plusieurs fois meme et avec différentes armes ; j’étais plutôt bonne tireuse d’ailleurs. Les armes ne m’ont jamais fait peur, les avoir en main ne me met pas dans un état indésirable. Il y a, avec elles, un sentiment de puissance : la vie peut basculer en un instant. Celui qui tient l’arme a un avantage indéniable face a celui qui n’en a pas.
Nous reprenons le chemin de la plage après avoir fait le plein d’eau et s’être abreuvé ; le soleil est haut. Il y a un contraste indéniable de température entre l’épave et la forêt, puis un autre entre la forêt et le rivage, c’est saisissant. Le temps passé au soleil va mettre mon teint à rude épreuve comparé à ce matin. Nous approchons de notre abri de fortune qui néanmoins est très réconfortant : ce n’est que cinq gros bouts de bois et des feuillages. Pourtant, en cet instant, c’est notre maison et cela suffit pour me donner un peu d’espoir.
Meyra n’a pas réapparu. J’avais presque oublié que nous devions la chercher avant de partir. Elle n’est ni ici ni à l’épave ; aucune trace. Je ne sais plus quoi penser. Les filles ont l’air résignées, peut-être parce qu’en parler rendrait la réalité trop réelle. Ce n’est pas du déni, plutôt une positivité choisie.
Les armes et boîtes de munitions sont déposées dans l’abri. Je m’assois à l’ombre pour inventorier nos trouvailles. Nous avons neuf boîtes, chacune contient vingt cartouches, à première vue, ça en fait beaucoup. L’idée de chasser des mouettes me traverse l’esprit ; ce soir, la possibilité de rôtir de la volaille me met l’eau à la bouche.
J’évalue : 170 cartouches (une boîte est à moitié pleine). Le chargeur du fusil d’épaule est plein : quinze cartouches et rien dans le canon. Le revolver, à barillet, contient six cartouches, mais elles ne sont pas compatibles avec le fusil. Les munitions des boîtes serviront exclusivement pour le fusil d’épaule. Nous avons donc, pour le fusil d’épaule, 185 munitions, et 6 pour le revolver. C’est une aubaine et j’ai du mal à réaliser notre chance.
Pendant mon inventaire, j’ai demandé aux filles d’écrire avec des rochers, des feuillages et tout ce qui peut leur paraitre utile le mot AIDE sur la plage, le plus grand possible. Si ce ballon est passé par ici, d’autres passeront peut-être : l’ajout d’un feu et la fumée nous rendra encore plus visibles. La perspective de croiser d’autres êtres humains ou des animaux féroces m’effraie moins, sachant que nous pouvons maintenant nous défendre grâce aux armes que nous avons trouvé. Meme si elles ne savent pas tirer et ne sont pas entraînées, je peux compter sur mes compétences et mon instinct de survie.
J’ai aussi arrêté de me distinguer de mes courtisanes ; cela pourrait me rendre vulnérable en cas de rencontre. J’ai quelques bijoux sur moi, que je pourrais dissimuler et utiliser si besoin, autant d’éléments qui pourraient faire de moi une cible ou, au contraire, un atout.
Les filles s’affairent à la tâche ; le soleil tape fort. Elles discutent ; je n’entend pas ce qu’elles disent et elles sont trop loin pour que je lise sur leurs lèvres. La conversation doit tourner autour de Meyra ou des armes j’imagine. Passons aux choses sérieuses, il est temps d’essayer ce qui pourrait devenir notre salut : le feu.
J’ai la loupe et le papier. J’ai été récupérer des fougères sèches comme allume-feu. L’idée d’ouvrir une munition pour récupérer la poudre me re traverse l’esprit, mais la raison me rappelle a cause des risques qui sont a mon avis de premièrement ; casser une cartouche, perdre la poudre, ou provoquer un accident… Trop d’incertitudes. Je choisis la prudence et reviens à mon idée première. Me blésser n’est pas envisageable un seul instant.
Armée d’enthousiasme et de la loupe, je me prépare à devenir la première femme à allumer un feu sur cette plage. J’ai disposé autour de moi un cercle de rochers d’environ un mètre, des fougères sèches et des petites boules de papier ; des brindilles et du bois attendent pour alimenter la flamme quand les premières brindilles prendront feu. Tout est prêt. L’excitation monte : c’est la première fois que je fais quelque chose d’aussi simple mais a la foie si dur, ça me rend si fière.
Les filles se rapprochent, sans doute sensibles à l’énergie que j’exhale. Les secondes passent. Je vois un tout petit faisceau lumineux sur les fougères. En posant un doigt près du point de chaleur, je sens que ça chauffe, ça va prendre, j’en suis certaine.
Puis, enfin : une fougère s’embrase, puis une autre, puis encore un autre. J’alimente avec les boules de papier, je souffle doucement en dessous. Ça a pris. Le feu est là. Les filles se prennent dans les bras, comme si c’était elles qui l’avaient allumé, tandis que je souffle encore. Elles se moquent de moi ou quoi ? Tant pis. Je suis terriblement fière de moi. Les larmes me montent. Je suis pleine de gratitude : ce moment est magnifique. Nos chances de survie viennent d’augmenter. C’est une victoire à savourer.
