Une ticket vers son moi profond
Loïc Lepage
9/30/20256 min read
Un ticket vers son moi profond
J’ai vécu une expérience unique lors de Burning Man.
C’est une introspection personnelle, un voyage intérieur que j’ai envie de partager avec vous. Ce récit parlera autant de logistique que d’émotions profondes, jusqu’à une ouverture plus philosophique.
1. Le ticket : premier défi
Tout commence bien avant le désert. Le premier vrai challenge de Burning Man, c’est d’obtenir ce fameux ticket.
Le processus est particulier : il faut s’inscrire en ligne, patienter, et espérer. Deux fenêtres d’inscription seulement dans l’année : février et juillet, chacune ouverte quelques jours. Une fois enregistré, il ne reste plus qu’à attendre la vente officielle.
Il y a trois ans, j’avais déjà tenté ma chance. Quatre heures bloqué devant mon écran, le stress comparable à un examen… sans succès. Je savais donc que rien n’était garanti.
Cette année 2025, la vente démarrait le 30 juillet, 21h heure française. Quinze minutes avant, j’étais déjà installé, concentré devant mon Mac. Le site s’ouvre, la file d’attente se lance… la pression m’envahit immédiatement. Le souvenir des quatre heures d’attente infructueuse me revient.
Mais cette fois, après vingt minutes seulement, miracle : j’arrive à l’étape du paiement. Ma carte est débitée de 750 $, et mon cœur s’allège d’un poids immense. J’avais enfin mon sésame.
Et comme un signe, mes deux camarades ont aussi obtenu le leur. Nous étions tous équipés. La préparation pouvait commencer.
2. La préparation : un marathon
Nous étions le 30 juillet. Burning Man commençait le 24 août. Moins d’un mois pour tout organiser.
Premier impératif : les billets d’avion. En tant que Français, traverser l’Atlantique est une étape incontournable. Nous avions décidé de nous retrouver à Los Angeles, où l’un des trois mousquetaires possède un RV (camping-car).
Ensuite : l’équipement. Les tenues, les accessoires, le matériel. Sur la playa, il n’y a aucun magasin. Heureusement, les listes étaient prêtes, et dès le jour même, les commandes étaient passées.
Restait la nourriture. Là encore, aucun commerce sur place. C’est l’un des principes fondamentaux : radical self-reliance. Chacun doit subvenir à ses besoins, prévoir assez pour soi… et un peu plus pour aider si nécessaire.
Mes deux compères avaient prévu une version “Top Chef dans le désert”. Moi, je savais que je n’aurais pas l’énergie de cuisiner. Je me voyais vivre à base de conserves, de fruits secs (mangues, bananes, noix), et de nouilles instantanées. Finalement, je n’ai cuisiné qu’une seule chose : mes avocado toasts. Pain grillé, avocat, feta, tomates séchées, sel, poivre, citron. Rapide, nourrissant, zéro vaisselle. J’en étais fier.
Le reste du temps, mes acolytes préparaient des plats et remplissaient des Tupperwares dans le frigo du RV. Merci à eux, car je le répète : je n’étais pas là-bas pour participer à Top Chef.
3. La route vers le désert
De Los Angeles à Black Rock City : deux jours de route.
Je suis reconnaissant à l’un des mousquetaires d’avoir conduit seul notre bus de 12 mètres. Pour ma part, je ne me sentais pas capable de prendre ce risque sans compromettre notre arrivée.
Nous avions choisi d’arriver juste avant l’ouverture officielle du site, à 00h01 le dimanche. Nous nous sommes placés dans la file vers 23h et installés un peu après 2h du matin. C’était un excellent choix : nous avons pu dormir sur place et entrer dès le début.
Beaucoup n’ont pas eu cette chance. À cause des intempéries, certains sont restés bloqués plus de dix heures dans leur véhicule, secoués par la tempête, sans savoir ce qui allait se passer. À Burning Man, même l’attente pour entrer est déjà une épreuve.
4. L’humain : le vrai challenge
Un autre aspect, trop souvent négligé : les compagnons de route.
Mon conseil est simple : partez avec des gens sur qui vous pouvez compter, et qui vous ressemblent.
Car dans le désert, quand la pluie tombe sans discontinuer, quand le sable s’engouffre partout, être coincé avec une personne toxique peut transformer une aventure magique en enfer.
5. Les dix principes : la constitution de Black Rock City
Burning Man repose sur dix principes fondateurs, l’équivalent de la constitution de cette cité éphémère :
Radical Inclusion – Tout le monde est le bienvenu.
Gifting – L’économie du don, sans attente de retour.
Decommodification – Pas de commerce, pas de pub.
Radical Self-Reliance – Compter sur ses propres ressources.
Radical Self-Expression – Liberté totale d’expression et de créativité.
Communal Effort – Construire ensemble, coopérer, créer collectivement.
Civic Responsibility – Respecter les lois et le bien-être commun.
Leaving No Trace – Aucun déchet laissé derrière soi.
Participation – Pas de spectateurs, chacun contribue.
Immediacy – Vivre pleinement l’instant présent.
Ces règles paraissent simples, presque basiques. Mais ce sont les seules qui tiennent la ville debout. Sans elles, tout s’effondrerait.
6. Ma contribution : Papa Bear et les oursons
Ma manière de contribuer au gifting : de petits sachets contenant un ourson en peluche et un mot.
Ce cadeau, à la fois mignon et intuitif, créait un lien avec chaque personne rencontrée. J’ai ensuite écrit une vingtaine d’histoires personnalisées, retraçant des moments vécus ensemble. Certaines étaient brèves comme un souffle, d’autres beaucoup plus longues.
Ce geste touchait à plusieurs principes :
Participation : offrir une expérience inattendue.
Communal Effort : créer des souvenirs communs.
Radical Self-Expression : mon art, à ma manière.
Et fidèle à mon passé militaire, je portais toujours un sac à dos rempli d’eau, de bière, de tequila, de nourriture. Être prêt, mais surtout partager.
Au fil des jours, ce devoir est devenu un plaisir. Je suis devenu un totem vivant, recevant à mon tour des colliers, des bracelets, des carnets… Ces cadeaux matériels avaient une valeur spirituelle. Ils tissaient des liens.
C’est ainsi que j’ai trouvé l’âme de Burning Man.
7. L’expérience émotionnelle
L’un des moments les plus forts fut au camp Naked Heart, dans le dôme des émotions.
Le principe : des femmes partageaient leurs traumatismes face à un homme qu’elles choisissaient, tandis que tous les autres écoutaient. Trois minutes chacune, pendant trois heures.
Difficile à décrire, mais ce fut intense, bouleversant. Cela m’a montré à quel point notre société pouvait être cruelle envers les femmes, et combien certains comportements masculins ne sont que des faiblesses de l’âme.
À la fin, il restait une douceur, un échange sincère, une bienveillance rare. J’en suis ressorti transformé.
8. Le temple et la révélation
Mercredi, le ciel était menaçant. Avec un ami, nous avons suivi notre instinct et nous sommes dirigés vers le temple.
Une énergie lourde, des murs couverts de messages, de totems, de prières. Je me suis assis, j’ai sorti mon carnet. Mes larmes ont coulé, glissé sur mes joues jusqu’au papier. Une introspection profonde s’est imposée.
En sortant, le soleil brillait. Comme un baptême. Un renouveau.
C’est là que j’ai compris le dixième principe : Immediacy.
Vivre l’instant présent, pleinement, sans filtre.
9. La magie de la Playa
Burning Man, c’est vivre un rêve éveillé.
Chaque coin recèle une surprise, une œuvre, une rencontre improbable. La nuit, les lumières transforment tout. On perd ses repères, parfois même son vélo. Rite initiatique obligatoire : tout vrai burner l’a vécu.
Et puis, la musique. J’avais préparé un calendrier : Vintage Culture, Carl Cox, Damian Lazarus, Monolink, Deer Jade, Sébastien Léger, Ruback, Biscit…
Des performances uniques, magiques. Rien à voir avec Ibiza ou les festivals classiques. Même le son semblait plus pur, plus puissant, résonnant dans la poitrine.
Et puis ces hasards : tomber sur un DJ mondialement connu, en set improvisé au détour d’un camp.
C’est ça, la magie de Burning Man.
10. Conclusion : un ticket vers soi-même
Ce ticket acheté en juillet n’était pas seulement un sésame pour une ville éphémère de rêveurs, d’artistes et de fêtards.
C’était un ticket vers moi-même.
À 31 ans, j’ai reconnecté avec l’enfant en moi. J’ai appris à vivre l’instant présent, à partager ma créativité et ma bienveillance.
Ce que je retiens :
Entourez-vous bien, ou soyez prêt à vivre seul l’aventure.
Préparez-vous pour vos besoins essentiels : la pyramide de Maslow est réduite à sa base ici.
Faites vivre les dix principes comme un devoir citoyen.
Ouvrez votre esprit au maximum, laissez tomber le jugement.
Votre plus bel outfit sera votre sourire et votre bienveillance.
Et surtout : ne soyez pas un touriste. Participez, interagissez, osez.
Burning man est fait pour vivre des aventures inracontable.
Merci de m’avoir lu 🙏
J’espère que ce récit donnera envie à certains de tenter l’expérience dans de bonnes conditions, et à ceux qui y sont déjà allés de retrouver un peu d’eux-mêmes dans mes mots.
Merci à toutes les personnes croisées là-bas : c’est vous qui avez rendu cette expérience hors du commun.
Loïc